La Rochelle 1932-1934

Ce week-end, j’ai profité de la projection de «L’Escalier de fer» au festival de la fiction TV de La Rochelle, pour visiter une fois de plus la ville sous le signe de Simenon. Toujours avec pour compagnon La France de Simenon en images de Michel Lemoine et Claude Menguy, dont je cite ci-dessous (en noir) des extraits concernant cete ville.

 


Afficher Simenon en Poitou – Charentes sur une carte plus grande

 

Le Grand Hôtel de France et d’Angleterre

Le Sud ? Le Nord ? Entre les deux, le cœur de Simenon balance : « Ce combat entre l’homme du Nord et le Méditerranéen a duré des années, je pourrais dire toute ma vie » (Un homme comme un autre). La région de La Rochelle l’a aussi séduit dès 1927 et c’est sur elle qu’il jette son dévolu à la mi-février 1932 quand il éprouve le besoin de se fixer quelque part. En attendant que soit habitable le manoir de La Richardière, qu’il loue à Marsilly, il s’installe provisoirement (jusqu’en avril-mai 1932) en ville, au Grand Hôtel de France et d’Angleterre , où il écrit Le Fou de Bergerac, une enquête de Maigret dans laquelle la cité de la Dordogne fait plus d’une fois penser à… La Rochelle. Lisons plutôt l’évocation de l’hôtel d’où le commissaire, blessé, dirige ses investigations.

« Et Maigret fut installé dans la plus belle chambre de l’Hôtel d’Angleterre, au premier étage. Son lit fut tiré près des fenêtres, si bien qu’il jouissait du panorama de la grand-place, où il voyait l’ombre quitter un rang de maisons pour passer lentement au rang opposé. […]
Un guide Michelin lui avait fourni un plan de la cité. Or, il était installé au cœur même de celle-ci. La place qu’il voyait était la place du Marché. […]
Le guide disait : “ Hôtel d’Angleterre. Premier ordre. Chambres depuis 25 francs. Salles de bains. Repas à 15 et 18 francs ”. […]
Il savait que l’Hôtel de France, de l’autre côté de la place, était le concurrent de l’Hôtel d’Angleterre »
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Le Fou de Bergerac

 

La Rochelle: Hôtel de France et d'Angleterre

La Rochelle: Hôtel de France et d’Angleterre

La Rochelle: Hôtel de France et d'Angleterre

La Rochelle: Hôtel de France et d’Angleterre. Photo J. Simenon, sept. 2013

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L’établissement de La Rochelle, appelé le plus souvent hôtel de France, occupait les nos 22 (hôtel) et 24 (restaurant) de la rue Gargoulleau, à l’emplacement de l’ancien hôtel Gargoulleau qui datait du XVIIe siècle. Il semble bien que Simenon se soit servi de l’enseigne de son hôtel pour l’appliquer aux deux établissements fictifs de Bergerac. On ajoutera que la rue Gargoulleau débouche sur la place du Marché de La Rochelle et qu’il est question dans le roman du restaurant parisien « des Quatre-Sergents, place de la Bastille », autre référence rochelaise implicite. Un roman populaire de Georges Sim paru en 1929, La Femme en deuil, mentionnait déjà l’hôtel de France de La Rochelle, mais le déplaçait puisque la mer est visible depuis cet hôtel.

Au n° 43 de la rue du Minage se trouvait l’entrée de l’hôtel réservée aux véhicules.

 

Le café de la Paix

À La Rochelle, Simenon devient rapidement un habitué du café de la Paix, tenu par Pierre Caspescha. Un anneau avait même été fixé sur le bord du trottoir de l’établissement par le patron afin que le romancier puisse y attacher son cheval. Le 6 avril 2003, à la faveur des manifestations rochelaises qui ont marqué le centenaire de la naissance de l’écrivain, un anneau similaire a été scellé dans le pilier d’une arcade du café, à proximité de l’endroit où Polo attendait jadis son maître, l’original ayant été pieusement conservé par Lina Chavier-Caspescha, fille de Pierre. Ce café de la place d’Armes, dite aujourd’hui de Verdun, est présent dans plusieurs fictions, comme dans L’Évadé.

« Au sortir du lycée, la serviette de cuir sous le bras, le chapeau très en avant, J. P. G. marcha d’abord comme il le faisait d’habitude et il put croire lui-même qu’il allait rentrer directement chez lui. […
Or, arrivé place d’Armes, il s’arrêta net, juste en face du Café de la Paix. Depuis le matin, il se promettait :
— Je ne passerai plus rue du Palais.
La rue du Palais s’amorçait à cent mètres de là, avec ses arcades, ses magasins et, quelque part, la maison de coiffure à vitrine mauve.
J. P. G. fit soudain ce qu’il n’avait jamais fait : il entra au Café de la Paix et s’assit sur la banquette, dans l’angle, près de la devanture.
— Donnez-moi un pernod, dit-il de la même voix qu’il prenait pour parler à ses élèves ».

L’Évadé

« Sur le seuil du Café de la Paix, un garçon regardait, de loin, sa serviette à la main.
Cette fois, J. P. G. ne résista pas à la tentation. Il entra. Il marcha droit vers la table qu’il avait occupée la veille et tout naturellement commanda un pernod.
La place était bonne. On dominait à la fois la salle du café et la place d’Armes ».

L’Évadé

« Au Café de la Paix, il avait bu ses deux pernods, car c’était déjà une habitude : il en prenait deux le matin et deux l’après-midi ».

L’Évadé

« À midi, J. P. G., dans son coin du Café de la Paix, attendait le passage des élèves du lycée ».

L’Évadé

« Il pensait ces choses-là pour penser, pour occuper son esprit et, mathématiquement, il devait aboutir dans un coin du Café de la Paix ».

L’Évadé

 

La Rochelle: café de la Paix

La Rochelle: café de la Paix

La Rochelle: café de la Paix

La Rochelle: café de la Paix. Photo J. Simenon, sept. 2006.

 

La Rochelle: café de la Paix

La Rochelle: café de la Paix

 

L’entrée du port

On s’en doute, le port est inséparable de La Rochelle selon Simenon.

« C’était à l’entrée du port, près des tours, près du marché aux poissons, qu’il [Gilles Mauvoisin] ne vit pas mais dont il renifla l’odeur. […]
Il voyait la petite place et, derrière le gros urinoir de tôle, des barques de pêche qui avaient tendu leur voile dans le crachin ».

Le Voyageur de la Toussaint

 

La Rochelle: l'entrée du port

La Rochelle: l’entrée du port

La Rochelle: l'entrée du port

La Rochelle: l’entrée du port. Photo J. Simenon, sept. 2007

 

 

 

 

 

 

 

 

 

« Dehors, les vieilles pierres des deux tours qui flanquaient l’entrée du port rosissaient sous les rayons du soleil couchant ».

Le Riche Homme

Sur les quais

Simenon fait partie de ces romanciers qui, fascinés par les quais, les introduisent volontiers dans leurs fictions.

« Gilles était allé s’asseoir sur une bitte d’amarrage, le long du quai, près du débarcadère des bateaux de l’île de Ré, et il regardait de loin les vitrines, il apercevait confusément, dans la lumière glauque du bureau vitré, la silhouette de sa tante ».

Le Voyageur de la Toussaint

« Avant de monter dans son camion, il [Victor Lecoin] traversa le quai et resta un bon moment au bord de l’eau, à regarder les petits bateaux de pêche qui se balançaient à ses pieds.
La mer montait et descendait lentement, comme la poitrine d’un dormeur, mais il n’y avait pas de vraies vagues et les lumières du quai se reflétaient à l’infini ».

Le Riche Homme

 

La Rochelle: le port et quai Duperré

La Rochelle: le port et quai Duperré

 

 

 

 

 

 

 

 

La plage et la Pergola

La plage et la Pergola : autres lieux rochelais souvent présents dans l’œuvre.

« Ils [Georges Vaillant et son fils Antoine] passaient près de la Pergola, où des couples dansaient au son du jazz. Une jeune fille en costume de bain se promenait en périssoire […].
La mer était plate et soyeuse. Un ourlet blanc se formait à peine sur le sable roux de la plage et retombait avec un bruit frais. La périssoire était peinte en vert ; le maillot de la jeune fille était rouge.
Parfois la brise apportait des bouffées de musique de la Pergola ».

L’Évadé

« Le patron de la Pergola surveillait les déjeuners, les mains derrière le dos, sur la terrasse du premier étage. La mer était verte. Le soleil tombait d’aplomb sur le vélum orange. C’était dimanche. C’était l’été. […]
Viève restait à peu près la même, mais plus sereine. Elle prit un mouchoir dans son sac pour essuyer le nez de sa fille et dit à son fils :
— Mange proprement, Louis !
— C’est là que tu te baignais, man ? questionna-t-il en désignant la petite crique de sable fin, en face de la Pergola.
— Oui. Il n’y a pas d’autre plage à La Rochelle ».

Le Haut Mal

 

La Rochelle: la Pergola

La Rochelle: la Pergola. Éd. artistiques “Flor”

La Rochelle: La Pergola

La Rochelle: La Pergola. Photo J. Simenon, sept. 2013

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La plage de La Rochelle et la Pergola figurent aussi dans un autre roman, Le Voyageur de la Toussaint, ainsi que dans deux nouvelles, Le Capitaine du « Vasco » et Annette et la dame blonde.

 

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